"Cela se passait à une époque où une nuée d'intellectuels s'était abattue soudainement sur tout le pays. On aurait dit qu'ils étaient apparus par génération spontanée, que personne avant eux n'avait eu d'idées, et qu'ils n'avaient jamais appris à peser leurs mots : dans les revues pédagogiques que je lisais en cachette, ils traitaient régulièrement mon père de dictateur, de réactionnaire, de fasciste, voire de nazi. Un nazi, mon père?... Quand ils parlaient de moi... ils enchaînaient aussitôt sur les graves carences de mon éducation : je n'avais jamais appris à gérer mes émotions, mes sentiments ne seraient jamais que de petites pousses rachitiques, et je serais jusqu'à la fin de mes jours un parfait analphabète en matière d'affectivité." Il est beaucoup question de pédagogie dans ce roman, mais à l'époque des "libres enfants de Summerhill", ce ne sont pas seulement le latin, la dictée et la grammaire qu'on jette par-dessus bord. C'est pourquoi cette histoire n'a rien voir avec un roman à thèse. C'est plutôt l'histoire d'une éducation sentimentale des extravagantes années soixante et soixante-dix. François Gravel la raconte avec le savant dosage d'humour mordant, de pudeur et de tendresse qui a fait le succès de ses deux précédents romans, Benito et La note de passage.